Critiques

Cabinets ministériels : le décret qui fait gonfler les effectifs malgré la promesse de rigueur

Le gouvernement a adopté un décret fixant la composition des cabinets ministériels. Malgré les discours en faveur d’un État sobre et discipliné, le texte entérine des effectifs élargis, loin de l’objectif affiché de réduction des charges publiques.

Le Conseil des ministres du 20 juin 2025 a validé un décret qui précise la composition des cabinets ministériels. Désormais, un ministre d’État pourra disposer de 10 conseillers, un ministre de 9, et un ministre délégué de 2. Une décision qui relance le débat sur la maîtrise des dépenses publiques.

Ce texte, présenté comme un outil de modernisation de l’action publique, prévoit également des chargés d’études, des chargés de mission, du personnel administratif, de sécurité, de protocole et de logistique. Une architecture lourde qui surprend, alors que le gouvernement martèle depuis des mois la nécessité de réduire le train de vie de l’État.

En 2024, les pouvoirs publics avaient pourtant fixé à sept le nombre de conseillers par ministre, dans un souci d’allègement budgétaire. Ce retour en arrière interroge. D’autant plus que le Gabon fait face à une équation difficile : une masse salariale publique qui absorbe près de la moitié des recettes non pétrolières, un besoin massif en infrastructures, et une dépendance chronique à l’endettement.

Un choix budgétairement risqué

Chaque conseiller, chaque fonction ajoutée représente une dépense fixe : rémunération, équipement, transport, missions. Dans un pays où les dépenses de fonctionnement pèsent déjà lourd, cette inflation administrative pourrait accentuer les déséquilibres budgétaires.

Les ministères de la Défense et de l’Intérieur bénéficient en plus de cabinets parallèles spécialisés militaire pour l’un, sécuritaire pour l’autre qui s’ajoutent à leur cabinet civil. Un modèle complexe, coûteux et potentiellement source de chevauchements de compétences.

Compétence ou proximité ?

Au-delà des chiffres, la question de la qualité des ressources humaines se pose. Plusieurs observateurs pointent le fait que certains conseillers nommés ne disposent pas toujours d’une expertise reconnue dans les domaines qu’ils couvrent. Nominations politiques, réseaux personnels, récompenses : les critères de sélection interrogent sur l’efficacité réelle de ces équipes.

« Pourquoi un ministre a-t-il besoin de neuf conseillers quand une direction technique compétente pourrait produire un travail équivalent, voire meilleur, avec moins ? », se demande un haut fonctionnaire interrogé sous anonymat.

Une décision à contre-courant ?

En théorie, le décret entend clarifier et harmoniser les structures d’appui technique et politique. En pratique, il pourrait institutionnaliser une lourdeur administrative que le pouvoir lui-même disait vouloir combattre. Le président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, a à plusieurs reprises appelé à plus de discipline, de cohérence et de sobriété dans la gestion des ressources publiques.

Ce décret, bien qu’encadré, risque au contraire d’amplifier les travers d’un modèle administratif dépassé. À l’heure où la performance et la transparence sont brandies comme priorités, le Gabon aura-t-il le courage de revoir cette architecture pour la rendre réellement efficace, sobre et moderne ?

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